C’est désormais officiel! L’opposant historique Gilchrist Olympio a annoncé ce mardi sa retraite politique.
Après plusieurs années de lutte contre le régime de Gnassingbé Eyadema puis celui de son fils Faure Gnassingbé, celui qui a longtemps marqué l’histoire politique du Togo dit vouloir tourner la page de la politique en raison de son âge avancée.
Dans un dernier message adressé aux militants ainsi qu’à toute la classe politique togolaise, Gilchrist olympio est revenue sur les principes fondamentaux de son engagement et les raisons de ses choix politiques critiqués par ses collègues de l’opposition ces dernières années.
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ALLOCUTION DE MR. GILCHRIST OLYMPIO
PRESIDENT DE L’UNION DES FORCES DE CHANGEMENT
28 NOVEMBRE 2017
Mes très chers Compatriotes,
En ces temps difficiles pour notre pays, il nous tient à cœur de faire entendre à nouveau une voix d’expérience qui peut faire avancer la cause de l’espérance.
Nous renouvelons notre engagement infaillible à œuvrer pour une alternance pacifique dans notre pays et qui ne soit pas comprise comme une revanche des uns sur les autres.
C’est avec tristesse et consternation que nous avons observé la profonde détérioration de la situation politique de notre pays depuis le début des manifestations d’Aout 2017. Les confrontations qui ont eu lieu dans les rues de plusieurs villes du Togo, entre notre jeunesse désillusionnée et les forces de l’ordre essayant de maintenir l’ordre public, ont été suivies des conséquences déplorables que nous connaissons malheureusement si bien : pertes de vie humaines, destructions matérielles, et dommages économiques à long terme.
Je voudrais tout d’abord, en mon nom personnel et au nom de l’Union des Forces de Changement, adresser nos condoléances les plus sincères aux familles des victimes. Nous demandons à Dieu d’entourer leurs proches de l’affection et du courage dont ils ont besoin. Nous souhaitons également de tout cœur un prompt rétablissement aux personnes blessées et notre compassion à ceux qui ont subi des destructions de biens ou des pertes dans leurs activités économiques.
C’est l’occasion pour nous de dire une fois encore haut et fort, que nous déplorons la violence, quelles qu’en soient les justifications a posteriori. Nous sommes opposés à toutes les formes de compétition politique ancrée dans une culture de la violence
L’UFC et ses leaders ont poursuivi toute leur vie l’idéal de résistance contre l’arbitraire. Cette lutte a souvent été très dure et nous avons connu de façon très personnelle, les conséquences de sa violence physique.
Malgré cela nous restons aujourd’hui, comme toujours, fermement attachés à un idéal de changement et de renouvellement démocratique au Togo. C’est la raison pour laquelle nous avons fait la démarche de nous engager dans un accord de gouvernement avec le régime en place en 2010, accord qui, je le rappelle, demandait au RPT les mêmes concessions qui sont aujourd’hui encore réclamées par les manifestants.
C’est également la raison pour laquelle, nous avons continué à travailler avec abnégation, sans les outils que nous aurions souhaités, à faire avancer petit à petit la cause du bien-être économique des Togolaises et des Togolais.
Mais, nous ne sommes pas aveugles. Force est de constater que les termes de cet accord ne sont pas entièrement réalisées.
Malgré ces insuffisances, nous avons fait le difficile choix de rester fidèle à notre engagement, conscients du fait que les espérances de changement et notre vision d’un Togo nouveau sont toujours à réaliser.
Cependant nous devons aussi reconnaitre que la situation et le contexte politique de notre pays ont changé, et que rien ne justifierait aujourd’hui un recours irresponsable à la violence.
Nous avons déjà erré sur ce chemin sans issue. Il ne mène à rien de bon. Les fondations de la démocratie que nous cherchons à bâtir ensemble ne peuvent se construire que dans un processus consensuel et évolutif.
Bien sûr, celui-ci n’exclut pas les mouvements de revendication populaires et pacifiques qui ont leur place dans la vie d’une nation en mouvement. Le droit des manifestations publiques et la liberté d’expression des individus doivent être protégés, et nous appelons, comme nous l’avons toujours fait, le Gouvernement à la retenue et au strict respect des libertés fondamentales.
Mais les forces d’opposition doivent avoir le courage de faire avancer la cause du peuple Togolais sans se laisser prendre en otage par le cycle de la violence. Nous devons avoir le courage de dénoncer fermement les incitations à la haine véhiculées à travers les réseaux sociaux, de même que les actes de violence qui ont été commis au cours des manifestations. Nous souhaitons tous qu’une alternance politique voit enfin le jour au Togo.
Nous sommes tout aussi responsables de l’avenir de nos enfants que le sont nos adversaires politiques. Il nous revient à tous de prévenir le pire. Gardons-nous d’instrumentaliser la détresse et les aspirations de notre jeunesse aux simples fins d’aboutir à des desseins politiques à court terme. Evitons au Togo de devoir réapprendre l’histoire dans le sang, en hypothéquant une génération entière sur l’autel d’ambitions impatientes ou de pulsions révolutionnaires.
Depuis le début de cette nouvelle crise politique au Togo, plusieurs pays amis se sont investis à travers de discrètes tentatives de médiation en vue d’aider les Togolais à s’asseoir autour d’une même table pour régler les problèmes auxquels notre pays se trouve une énième fois confronté. Je leur adresse au nom de tous nos compatriotes mes vifs remerciements pour leurs efforts de médiation et d’apaisement, et je remercie tout particulièrement les Présidents Nana AKUFFO-ADO du Ghana, Alassane OUATTARA de Cote d’Ivoire et Alpha CONDE de Guinée, pour leur leadership et leur affection pour le Togo. Ma gratitude est également dirigée vers tous ceux qui, de près ou de loin, continuent à œuvrer sans relâche à la recherche d’une solution stable et durable au Togo.
Pour une solution politique stable et durable, nous proposons :
– que les réformes politiques se fassent sur une base consensuelle et qu’elle favorise une alternance et un renouvellement de la classe politique. Ces réformes doivent impérativement favoriser le vivre-ensemble et se fonder sur une culture de la tolérance et de la bienveillance. Ces réformes doivent absolument revêtir un caractère général.
– Le statut personnel du Chef de l’Etat actuel ne doit pas constituer un objet de blocage ; mais sans tabou, ni animosité, sa situation peut faire l’objet de discussions.
– Enfin, les partenaires étrangers du Togo devront accompagner ses institutions et sa classe politique afin de préparer à des élections libres, transparentes et acceptées de tous.
L’Union des Forces du Changement :
Permettez-moi enfin de terminer mon propos en évoquant l’avenir de l’UFC et le rôle que notre parti entend jouer dans les consultations politiques de demain.
L’UFC a toujours été en première ligne de la lutte pour l’alternance politique au Togo. Mon humble contribution a été de mener cette force d’union, et l’opposition togolaise, pendant un temps vers son objectif ultime.
Mais l’avenir, de l’UFC, de la contestation politique, et du Togo, devront demain être imaginés et poursuivis par des jeunes hommes et femmes de moins de 80 ans. Des jeunes qui pourront amener à la poursuite de leurs idéaux, avec la même énergie qui a été la nôtre, afin que le Togo puisse redevenir dans un futur proche une terre de fierté et d’excellence en Afrique.
Le combat politique que j’ai mené tout au long de ma vie et pour lequel j’ai sacrifié tant de choses a toujours eu pour objectif de libérer mes concitoyens du joug de l’oppression et d’améliorer leurs conditions de vie. Je n’ai jamais dévié de cet objectif sacré et je laisse à l’histoire, le soin de porter un jugement sur les choix que j’ai été amené à faire pour le bien de mon pays.
À nos compagnons de lutte, et à la classe politique dans son ensemble, je voudrais dire que le temps des postures et des déclarations fracassantes est révolu. A ce temps doit succéder celui de la vérité et du courage. Celle de reconnaitre les limites de certaines stratégies et celui de travailler fermement pour un compromis acceptable par tous.
Au Chef de l’Etat actuel, je voudrais également demander le courage d’entendre la voix de son peuple, même lorsque celle-ci est dissonante, et d’y répondre. L’occasion lui est offerte de rentrer dans l’histoire ; je l’exhorte à engager les réformes conformément aux recommandations de la Commission Vérité Justice Réconciliation comme il s’y était engagé.
Le dialogue politique annoncé doit se dérouler dans un climat apaisé. Il importe que les personnes interpelées dans le cadre des manifestations soient relaxées. Une attention particulière doit être apportée aux villes de Sokodé, Bafilo et Mango afin que le calme puisse y revenir pour que la vie reprenne son cours normal.
Mes biens aimés concitoyens, chers compatriotes, ne nous méprenons pas. Le véritable combat pour l’émancipation de notre peuple est encore devant nous. C’est celui de la lutte contre la pauvreté et d’un partage équitable des richesses de notre pays.
A cet instant de notre histoire, nous formons le vœu que tous les acteurs politiques dans un dépassement de soi et un esprit de sagesse fassent le pari du meilleur et du bien pour le peuple Togolais
Je garde une confiance sans faille dans la générosité et le génie créateur de notre peuple et des acteurs politiques pour la réussite du dialogue annoncé.
Vive la démocratie,
Que Dieu bénisse le Togo.
Ablodé! Ablodé! Ablodé!
Source : www.togoweb.net