Togo : UTB, une banque à la dérive : Au cœur de la nébuleuse Patrick Mestrallet. Salaire, 24 millions FCFA par mois. Prime, 52 millions FCFA en 6 mois. Etc.

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Togo : UTB, une banque à la dérive : Au cœur de la nébuleuse Patrick Mestrallet. Salaire, 24 millions FCFA par mois. Prime, 52 millions FCFA en 6 mois. Etc.

« Monsieur le Directeur Général. Nous avons l’honneur de vous informer qu’à l’appel des délégués syndicaux de SYNBANK, nous observerons une grève de soixante-douze heures (72 ) heures les 18, 19 et 20 octobre 2017, suivant la décision de l’Assemblée Générale du personnel en date du 10 octobre 2017 conformément aux articles 268-272 du code du travail pour :

  • le blocage unilatéral des avancements du personnel depuis 1990,
  • le non-respect des dispositions des Autorités Bancaires en matière de cumul de fonctions,
  • le non-respect des avantages acquis du personnel,
  • le non-respect de l’équité sociale au vu des salaires exorbitants des dirigeants.

En ce qui concerne le personnel de l ‘UTB, nous souhaitons obtenir les droits suivants :

  • la reprise des avancements,
  • le paiement des flux financiers et les arriérés de ces avancements de 1990 à ce jour,
  • la revalorisation des salaires en général pour rendre l’équité sociale et réduire les écarts significatifs entre les salaires des dirigeants et ceux des employés,
  • le respect des avantages acquis du personnel,
  • la nomination d’un Directeur des Ressources humaines pour prendre pleinement en charge les questions des ressources humaines ».

Tel est en substance le préavis de grève du collège des délégués du personnel de l’UTB dont la Rédaction s’est procuré une copie. Un fort avis de tempête que le Directeur Général cherche à éviter depuis quelques jours. A l’UTB les réunions s’enchaînent entre la Direction et le personnel sans déboucher pour le moment sur aucun compromis acceptable. Comment en est–on arrivé là ?

Il n’est un secret pour personne que les banques appartenant à l’Etat togolais sont dans une situation critique due à une longue gestion calamiteuse et hasardeuse. L’Union Togolaise de Banque (UTB) n’échappe pas à cette réalité, même si elle ne peut pas être logée en termes de pourriture à la même enseigne que la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (BTCI). Cette santé déclinante a affecté durablement le personnel dont les nombreuses doléances sont restées sans suite.

Après la cession de la BIA-TOGO aux Marocains, le gouvernement s’est vu obligé d’enclencher un processus de fusion de la BTCI et de l’UTB, seul moyen de sauver les deux banques de la descente aux enfers. Le processus se trouve actuellement dans sa phase concrète. Mais la gestion qui a cours à l’UTB depuis l’arrivée du Français Patrick Mestrallet n’est pas de nature à rassurer le personnel et risque à court terme de plomber les objectifs de la fusion.

Patrick Mestrallet, une curieuse nomination à la tête de l’UTB.

« Créée en juin 1964 sous forme de société d’économie mixte, l’UTB est aujourd’hui une institution dans laquelle l’État est l’unique actionnaire après le départ, en juin 1994, du Crédit Lyonnais, de la Deutsche Bank et de la Banca Commerciale Italiana, qui détenaient respectivement 35 %, 18 % et 12 % des actions. Ce départ était consécutif à la persistance de la crise sociopolitique du début des années 1990. L’UTB, qui s’honore aujourd’hui de 50 années d’existence, dispose de 46 points de vente répartis dans les 5 régions économiques du pays. Le capital social est de 10 milliards de FCFA », selon les sources officielles.

Cette brève présentation que l’on retrouve sur le site de la banque nous renseigne que l’UTB est une institution dans laquelle l’État est l’unique actionnaire. Comment se fait-il alors qu’un expatrié se retrouve à la tête d’une banque dont le propriétaire unique est L’État togolais ? N’a-t-on pas trouvé un seul Togolais parmi les 7 millions d’habitants de ce pays aussi bien à l’intérieur que dans la diaspora pour assumer cette responsabilité ? Qui a eu cette curieuse et scandaleuse idée de confier les clefs d’une banque togolaise à un expatrié ?

Selon plusieurs sources, il faut remonter au ministre de l’Économie et des Finances d’alors, Adji Otèth Ayassor et au réseau Dominique Strauss-Kahn pour trouver une réponse à ces interrogations. Patrick Mestrallet serait un homme lige de ces réseaux qui l’ont propulsé à la tête de l’UTB pour masquer ou dissimuler un scandale lié à des crédits énormes octroyés à certaines entreprises de BTP de droit togolais ou étrangères avec d’énormes retro commissions.

L’une des entreprises qui avait la bénédiction de l’État avec des crédits de milliards octroyés facilement par les banques a mis, depuis, la clé sous le paillasson. Patrick Mestrallet n’est pas un inconnu dans le système bancaire au Togo. A Orabank-Togo où il s’est négativement illustré, on essaye, depuis, de colmater le déficit de plus de 3 milliards FCFA qu’il a laissé par des prêts à risques et des crédits toxiques aux clients douteux. C’est en juillet 2016 qu’il a rebondi à l’UTB à la place d’Ihou Attigbé après avoir quitté quelques mois auparavant Orabank.

Dès sa prise de fonction, au lieu de s’atteler à redresser la banque, M. Mestrallet s’est lancé dans une course aux avantages mirobolants. Alors que l’ancien Directeur Général était payé à 4 millions FCFA, le nouveau décroche le jackpot c’est-à-dire un salaire mensuel de 24 millions FCFA, certainement avec l’accord du Conseil d’administration. Faut-il le rappeler, au Togo, le Président de la République touche officiellement un salaire de 7 millions FCFA, le Premier ministre 3 millions FCFA. Le patron de la banque bénéfice en plus de tous les avantages, notamment le logement, les véhicules de fonction, les billets d’avion classe affaires et divers.

L’homme ne s’arrête pas en si bon chemin. En six mois de gestion, c’est-à-dire de juillet 2016 à février 2017 il s’est offert une prime de 52 millions de francs CFA pendant que le personnel a été gratifié des miettes et souvent, à la tête du client. En quelques mois, le Directeur général de l’UTB a mis en place un réseau de prédation et de pillage par des surfacturations dont les responsables sont ses proches.

Dans un courrier de dénonciation des irrégularités concernant la gestion des marchés publics que le Synbank s’apprêtait à envoyer au Directeur Général de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) en date du 14 août 2017, on peut lire :

« Monsieur le Directeur Général, Nous avons l’honneur de porter à votre connaissance certaines irrégularités concernant la gestion des marchés à l’Union Togolaise des Banques ( UTB) qui est une institution financière à capital public. En effet, nous vous signalons, par exemple, et

  • Dans un premier temps, que la dirigeante de la société Computer Plus livre la quasi-totalité des fournitures uniquement de façon gré à gré quels que soit le montant des commandes en jeu et le cumul des montants de plusieurs commandes à l’Union Togolaise des Banques. Cette dirigeante est la fille du Directeur Général, Monsieur Patrick Mestrallet.
  • Dans un deuxième temps, un marché d’installation des fibres optiques dans toutes les agences de l’UTB installées sur toute l’étendue du territoire togolais, le prestataire le moins disant retenu est le Groupe TogoTélécom qui a proposé une offre financière de moins de 20 millions de francs CFA. Ce marché de façon surprenante a été octroyé gré à gré par Monsieur Patrick Mestrallet, Directeur Général de l’UTB, non seulement pour le même travail, mais l’installation de la fibre optique dans seulement 5 agences pour une offre financière de près de 100 millions francs CFA.

Ces exemples ne constituent qu’un bref aperçu qui cache bien d’autres irrégularités dans les passations de marché pour une institution publique. Espérant que notre alerte vous permettra d’apprécier cette situation et d’arrêter cette hémorragie financière au détriment des recettes au budget de notre État, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’assurance de notre considération distinguée ».

Le Directeur général de l’ARMP a-t-il reçu ce courrier ? On ne le saura jamais. Toujours est-il qu’à l’UTB, Patrick Mestrallet semble avoir tous les pouvoirs et en abuse, avec la bénédiction du Conseil d’administration.

Les augmentations exponentielles de salaire ne concernent que lui et les membres du Comité de Direction, au point de susciter le mécontentement du personnel, comme le souligne le mémorandum ci-contre en date du 25 juillet 2017.

Aux membres du syndicat des banques qui l’interpellent régulièrement sur les dérives de sa gestion, le refus de réintégrer Monsieur Mohammed Traoré qui a obtenu un non-lieu à la Cour d’appel de Kara suite à son arrestation dans l’affaire de détournement ou dans le cas de Fiawumo Komi, chef d’agence à Aného détenu depuis deux ans à la prison de la ville alors que la banque est dans l’incapacité de prouver ses accusations, le tout-puissant Patrick Mestrallet, avec un air de condescendance doublé de mépris, leur ferme la porte au nez en prenant soin de leur rappeler : « J’ai les pieds solides à Lomé II ».

Oui, le fameux Lomé II, c’est le parapluie atomique sous lequel s’abritent tous les voleurs de la République, avec la complaisance ou la bénédiction du maître des lieux. Comprenne qui pourra. Le personnel de l’UTB privé de ses avantages depuis des années et le Synbank ne décolèrent pas face à la gestion calamiteuse de l’institution par le nouveau Directeur Général avec la complicité du Conseil d’administration.

Les autorités ont été saisies, notamment le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative son collègue de l’Économie et des Finances; mais visiblement, l’homme qui a les « pieds solides à Lomé II » semble intouchable. La preuve, selon des sources autorisées, il serait nommé depuis quelques jours PDG du consortium né de la fusion de l’UTB et de la BTCI. Après avoir eu la mafieuse idée de confier la gestion des régies financières d’un pays indépendant à un étranger, c’est-à-dire l’OTR à Henri Gapéri, avant de le débarquer un matin sans aucune explication, le pouvoir de Faure Gnassingbé continue d’évoluer dans la même logique en confiant la gestion d’une banque publique togolaise à un expatrié.

Plus de 57 ans après les indépendances, nous voici de retour aux années d’avant- l’indépendance où les directions de tous ces postes stratégiques (banques, postes, chemin de fer, gouverneurs, commandant de cercle etc. ) étaient aux mains des colons. Feu Gnassingbé Eyadema avait l’habitude de dire que le Togo va reculer 100 ans en arrière. Avec sa gouvernance et celle de son fils, nous y sommes.

Le préavis de grève déposé sur la table de Patrick Mestrallet va-t-il enfin permettre de mettre fin à la gabegie qui a cours à l’UTB ? Rien n’est encore sûr, tant que l’homme lige qu’est Patrick Mestrallet aura « les pieds solides à Lome II ». Aux dernières nouvelles, les discussions entamées ont permis au personnel hier d’obtenir satisfaction à 80%. Reste la question des nominations, encore en suspens.

Vivement ! Bon à suivre.

Source : L’Alternative

Memorandum du Synbank au ministre de l’Économie et des Finances : UTB

Excellence Monsieur le Ministre,

A la nomination du Directeur Général, Monsieur Mestrallet à la tête de l’UTB, la première action qui a entrainé le mécontentement du personnel est l’augmentation de 53% des salaires uniquement aux membres du Comité de Direction au mois de février 2017 alors que les salaires du reste du personnel sont restés inchangés.

A ce mécontentement viennent s’ajouter d’autres problèmes à savoir:

– Le non-respect des notes de services prises par le Directeur Général lui-même,
– Conserver et améliorer les acquis du personnel objet de note de service ventes:
• Prime de fête de fin d’année 2016(50000 F CFA à réserver au personnel),
• Bonus de fin d’année 2016 (50 000 F CFA à réserver au personnel),
• Ristourne sur prêt scolaire (à recalculer et à reverser au personnel)
• Avenant à la note de mission,

Excellence, Monsieur le Ministre,

Au plan du Management des équipes, nous vous prions de bien vouloir nous aider à ce que la Direction

Générale de l’UTB puisse:
– Respecter les critères des évaluations annuelles d’appréciation,
– Elaborer les fiches de postes pour tous les collaborateurs,
– Mettre à jour les procédures pour maîtriser les risques bancaires,
– Pourvoir à tous les postes de l’organigramme mis en place au mois d’août 2016,
– Valoriser les compétences internes.
Excellence, Monsieur le Ministre,

Nous vous informons que certains de nos collègues avaient été arrêtés suite aux rapports des auditeurs. Certains ont été relaxés et repris par l’UTB.

Cependant, le camarade TRAORE Mohamed qui a été innocenté par le Tribunal de Première Instance de Kara, s’est vu refuser son intégration par la Direction Générale de l’UTB.

Enfin, un autre camarade qui exige de la Direction Générale de l’UTB est toujours en prison à Aného pour faute de réaction de la Direction Générale de l’UTB à envoyer les documents demandés par l’intéressé.

Fait à Lomé, le 25 Juillet 2017

Le Synbank
Conseil d’Administration
Fonction
Président Du Conseil D’Administration
Administrateur
Administrateur
Administrateur
Administrateur
Administrateur
Responsable
Badawasso T. Gnaro
Patrick Mestrallet
Idissa Derman
Koffi Mawuena Amegavi
Kueku Banka Johnson
Adoukoê Adjoavi Akpabie
Direction Générale
Fonction
Directeur Général
Directeur De L’International Et De La Trésorerie
Directeur Des Engagements
Directeur Financier Et Comptable
Directeur Du Système De L’Information Et De La Production
Auditeur Général
Directeur Commercial
Contrôleur De Gestion
Directeur Administratif
Chargé De La Compliance

27Avril.com