Togo, Manifestations pacifiques du PNP réprimées dans le sang: Le film d’une journée historique qui a ébranlé le pouvoir de Faure Gnassingbé

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A l’appel du Parti national panafricain (PNP), des milliers de Togolais sont sortis dans les rues du pays, aussi bien à Lomé que dans les autres villes (Sokodé, Bafilo, Anié et  Kara), ce samedi 19 août 2017 pour exiger, à travers des manifestations pacifiques, le retour à la Constitution de 1992 et le vote des Togolais de la diaspora. Ces derniers ont également battu le pavé dans plusieurs pays  à travers le monde comme le Bénin, le Ghana, le Gabon, le Nigeria, l’Allemagne, les USA, la Suède, la Belgique, etc.

Togo, Manifestations pacifiques du PNP réprimées dans le sang: Le film d’une journée historique qui a ébranlé le pouvoir de Faure Gnassingbé

Mais les manifestations à l’intérieur du pays ont connu une tournure dramatique avec un bilan lourd. Au moins deux manifestants tués (Sokodé), des centaines de blessés sans oublier l’arrestation d’un nombre important de personnes. Cette répression « barbare » n’est que la suite logique de la sortie médiatique des ministres Yark Damehane et  Payadowa Boukpessi, respectivement en charge de la Sécurité et de la protection civile, et de l’Administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, qui ont promis « l’enfer » aux manifestants. Les forces démocratiques ont unanimement condamné cette « sauvagerie » d’un autre siècle et appellent d’ores et déjà le peuple à la résistance pacifique.

Le « bling-bling » médiatique des deux ministres

Les manifestations annoncées par le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam ont mis en alerte le pouvoir de Lomé II, qui n’a pas hésité à mettre l’appareil d’Etat en branle pour dissuader les potentiels manifestants. La sortie commando des ministres Yark Damehane et Payadowa Boukpessi à travers une conférence de presse à 48 heures des manifestations en est une illustration indéniable. Cette sortie médiatique tant décriée par l’opinion a été une occasion pour ces ministres de semer le doute dans l’esprit des manifestants, avec des menaces à peine voilées. Pour justifier ces menaces, ils ont mis en avant une supposée discorde par rapport aux itinéraires que devront emprunter les manifestants le Jour-J.

« Le Gouvernement constate que l’itinéraire prévu par le PNP a pour objectif de bloquer le pays et par conséquent leur propose un autre itinéraire. La loi va s’imposer. […] s’ils s’entêtent, ce n’est pas à l’autorité de reculer. Si aujourd’hui, le gouvernement dit qu’on les laisse faire et que demain d’autres partis aussi décident, on fait quoi ? Cela nous amène où ? C’est quoi PNP ? Il y avait des partis politiques avant PNP(…) Nous savons ce qu’ils ont en tête, mais ça ne passera pas dans ce pays(…) On va les disperser au point de rassemblement d’une façon propre. Adviendra que pourra », a menacé Yark Damehane, lors d’une conférence de presse jeudi.

Lors de cette rencontre avec les médias, le ministre de la Sécurité et de la Protection, a développé, la théorique « islamico-religieuse » qui serait l’obédience du PNP. Il a promis «nettoyer » ceux qui oseraient tirer sur ses éléments. Reste à savoir pourquoi ce dernier, qui a tous les renseignements, n’anticipe pas en arrêtant ceux qu’il soupçonne de détenir des armes ?

Son collègue de l’Administration territoriale  de la Décentralisation et des Collectivités locales,  Payadowa Boukpessi avec des contorsions digne d’un profane du droit, a  renchéri par rapport à ce qu’on pourrait qualifier d’un coup de force,  en s’appuyant sur les dispositions de l’article 12 de la loi 2011-010, dite « loi Bodjona », fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion. Il a également mis en avant les évacuations sanitaires qui ne pourraient plus se faire, si les manifestations se déroulaient sur les itinéraires prévus par les organisateurs. Comme si cette sortie médiatique ne suffisait pas, les deux ministres ont pris d’assaut plusieurs médias, toujours dans la campagne d’intimidation. Les couleurs étaeint alors annoncées. De l’électricité dans l’air.

Tikpi et le PNP, la force tranquille

Les autorités ont brandi la menace de répression aux manifestants. Mais, c’est sans compter avec la détermination et le courage du leader du PNP, Tikpi Atchadam et ses militants et sympathisants. En réponse, l’opposant a réitéré le caractère pacifique de ses manifestations.

« Le ministre se fonde sur l’article 12 de la loi sur les manifestations publiques alors que cet article ne parle nullement de modification d’itinéraire. La loi ne donne pas prérogative à l’autorité d’imposer d’autorité des itinéraires aux organisateurs d’une manifestation pacifique. Nous nous rendons compte aussi que le motif avancé par le ministre de l’Administration territoriale est l’occupation de la nationale N°1, alors que nulle part, elle  n’a été choisie comme point de chute », a fait répondu  Tikpi Atchadam, dans un message diffusé  sur les réseaux sociaux.  « Il n’y a pas d’occupation de la nationale N°1. Je me demande s’ils (les ministres, Ndlr) vont faire la même chose par rapport aux manifestations au Ghana, au Nigéria, au Gabon, aux Etats-Unis, à Bruxelles, etc. Et si au moment où je vous parle, je vous disais que cette marche était organisée pour soutenir Faure Gnassingbé, est-ce qu’ils allaient modifier les itinéraires ? », a-t-il ajouté, avant de conclure qu’il maintenait les manifestations.

Au cœur de la répression de la manifestation  de Lomé

Les manifestants et les responsables du PNP se sont donné rendez-vous à Lomé tôt le matin du 19 août au niveau du passage à niveau d’Agoè, maintenu comme point de rassemblement. Dès l’aube, les lieux ont été quadrillés par les forces de l’ordre. Les agents positionnés sur les principales artères étaient équipés comme des miliaires qui s’attendaient à une invasion extérieure. Ces derniers n’ont pas tardé à charger « proprement» les premiers manifestants qui ont tenté de se regrouper. Les premiers blessés dont un journaliste ont été évacués dans les centres de santé les plus proches.

Face à cette  répression sanglante, certains manifestants se sont repliés dans les ruelles.  Les intrépides, les mains nues, ont résisté aux tirs de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc qui fusaient de toute part. Très vite, le stock de « munitions » de répression s’est  écoulé. Essuyant à leur tour des jets de pierres de la part des manifestants, les forces de l’ordre se sont repliées dans un premier temps, avant de revenir. Mais, en un laps de temps, des milliers de manifestants ont réussi à se regrouper, bravant la peur et les menaces. «Aujourd’hui, c’est un autre jour pour nous les Togolais. Nous allons manifester et nous irons à GTA (point de chute prévu pour la manifestation de Lomé, Ndlr). Ce que nous voulons est simple : le retour à la constitution de 1992 et le vote de la diaspora », affirme un manifestant. Dans la foule, certains scandent des phrases telles que « 50 ans pour la seule famille Gnassingbé, c’est trop » ; «  Nous en avons assez de ce régime » ou encore « Nous allons rester dans les rues, jusqu’au départ de Faure Gnassingbé ».

Aux environs de 9h 30, la manifestation s’ébranle. Mais, pas par la Nationale N°1. «Tout chemin mène à Rome », nous confie, avec ironie, un des responsables. « Nous avons changé de stratégie, mais la finalité reste GTA », a-t-il souligné. La marrée humaine passera par la route d’Agoè Assiyéyé jusqu’au carrefour Bodjona, où les attendait un impressionnant dispositif sécuritaire. Apres quelques minutes de round d’observation, les forces de l’ordre, avec une rare brutalité, ont réprimé les manifestants, occasionnant des dizaines de blessés graves dont un jeune garçon de 13 ans. Une véritable chasse à l’homme a été engagée par les unités de répression en place. Ils tiraient à bout portant sur les manifestants, martyrisaient ceux qu’ils arrêtaient. Un jeune ensanglanté qui a été arrêté et mis dans une fourgonnette a essuyé des coups de crosse au visage, bien qu’il fût déjà neutralisé. La scène était horrible. Même la station Sanol a été proprement arrosée de grenades lacrymogènes.

Les maisons riveraines n’ont pas été épargnées. Sciemment, les forces de l’ordre ont jeté des grenades lacrymogènes dans les domiciles privés qu’ils n’ont d’ailleurs pas hésité à violer. Ils rentraient dans les maisons pour tabasser les gens et sortir certains manifestants qui se sont refugiés. Un agent a d’ailleurs poussé son zèle et laissé une bombonne de grenade lacrymogène, qui explosa aussitôt, dans une maison devant les journalistes et les propriétaires médusés et impuissants, qui n’avaient pas le choix que « de la boucler » , face à la furie des forces de l’ordre qui tabassaient tout sur leur passage.

Kara, Anié, Bafilo réprimé…Sokodé paye le lourd tribut

A l’image de Lomé, les forces de l’ordre ont réprimé « proprement » les autres manifestations à l’intérieur du pays. Si on déplore les arrestations par dizaines des manifestants et des blessées aussi bien du côté des manifestants que des forces de l’ordre, ont dénombre pour l’heure deux morts à Sokodé: Ouro- Teffy Agbastou et Sebabi Mamadou Arrissou tombés sous les balles assassines du pouvoir de Faure Gnassingbé. Selon les informations, ces martyrs ont été enterrés hier.  Dans les mouvements, les manifestants ont réussi à neutraliser quelques militaires qu’ils ont protégés pour démontrer le caractère pacifique de la manifestation. Mais le commissariat de la ville de Sododé n’a pas échappé à la colère des manifestants qui essuyaient des tirs à balles réelles de la part des militaires.

A Kara, on dénombre deux personnes ayant perdu la vue dans la répression. Selon les informations révélées par le leader du PNP, certaines des personnes arrêtées font l’objet de traitements inhumains et dégradants. Certains parents sont sans nouvelles de leurs enfants depuis ce 19 août.  La terreur règne dans toutes ces villes.

Le service après vente de Têko Koudouovoh

Le soir des échauffourées, le Directeur général de la Police nationale, Têko Koudouovoh, s’est pointé au journal de 20h sur la TVT pour, dit-il, dresser un bilan des manifestations. Pour lui, les manifestations ont occasionné 27 blessés dans les rangs dans les forces de sécurité à Sokodé, deux (02)  morts du côté des civils dont 1 par balle, deux (02) bureaux de police brulés et les autres saccagés, des munitions emportées, ainsi que quatre (04) fusils et deux brûlés, onze (11) motos des agents ainsi que deux (02) véhicules des commissaires de police brûlés. Seulement en se débrouillant pour assurer le service après vente, le patron de la Police s’est beaucoup embrouillé. Au début de son intervention, il a assuré qu’il n’y a pas eu de tir, mais a fini par dire qu’il y a un mort par balle.   Il a par ailleurs précisé qu’une dizaine de personnes ont été interpellées à Kara.

Tout en présentant ses condoléances  aux familles éplorées et un prompt rétablissement aux blessés, il a, à son tour, mis en garde les manifestants et cru savoir qu’il y a d’autres manifestations « violentes » qui se préparent. « Une autre marche demain aura un caractère très violent. Nous avons vu que des armes circulent et les détenteurs ne sont pas encore identifiés », s’est-il fendu. « Nous voulons appeler les organisateurs de cette marche à la retenue et à surseoir à cette marche, parce que la paix n’a pas de prix. Entre Togolais, il faut que les problèmes se règlent de façon pacifique », a-t-il ajouté.

La pression maintenue sur le pouvoir

Malgré la répression, dans un message adressé aux Togolais, Tikpi Atchadam a appelé à la, résistance pacifique. Ainsi, dans la matinée d’hier dimanche 20 août 2017, certains militants ont de nouveau tenté de se regrouper au niveau du lycée d’Agoè. Mais ils ont été, sans aménagement, dispersés. Les courses-poursuites se sont soldées par des arrestations dont celle du Secrétaire général du PNP, Dr Sama bossi.

Avec cette  « barbarie moyenâgeuse », le pouvoir de Faure Gnassingbé, hostile à tout changement démocratique, aura réussi à réunir les forces démocratiques contre lui. On assiste à une véritable levée de boucliers.

De  Jean-Pierre Fabre de l’ANC à  Mouhamed Tchassona-Traore du MCD en passant par Nathaniel Olympio (Parti des Togolais), Kafui Brigitte Adjamagbo-Johnson (CPDA), ou encore Gerry Taama (NET), entre autres, tous dénoncent la répression aveugle des manifestations pacifiques organisées par le PNP.

« L’ANC exprime sa vive préoccupation face à la situation qui prévaut sur toute l’étendue du territoire national. Elle demande aux populations togolaises de se tenir prêtes pour répondre massivement à l’appel prochain des forces démocratiques pour mettre  définitivement fin à ce régime qui reste désormais une curiosité en Afrique », peut –on lire dans un communiqué du parti de Jean-Pierre Fabre.

Les Togolais sont unanimes à penser qu’une unicité d’action de toutes les forces démocratiques mettrait sans doute fin à la dictature vieille de 50 ans. Et leurs voix semblent  entendues. « Je demande au peuple togolais, sur toute l’étendue du territoire national, de continuer la mobilisation sans faiblir. Je vois les signes de la fin de ce régime et je dis simplement que nous ne pouvons pas accepter que le régime recherche par tous les moyens des subterfuges pour échapper à la mise en œuvre des réformes auxquelles il s’est engagé dans l’Accord politique global » , a lancé Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition togolaise, au peuple togolais sur Rfi.

Les prochains jours nous édifieront davantage !

Source : Liberté

27Avril.com