Togo, Interdiction scélérate des manifs en semaine : Un comportement moyenâgeux du gouvernement Faure/RPT/UNIR qui légitime la chienlit

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Désormais, les manifestations de rues en semaine sont interdites. C’est l’aberration de décision que l’Exécutif a cru devoir prendre et que Payadowa Boukpessi et Yark Damehame, les deux « messieurs répression », ont annoncée ce mardi. Une mesure arbitraire et une violation éhontée de la loi sur les manifestations publiques qui, loin de préserver la quiétude, pavent la voie à la chienlit. Et si les réelles motivations n’étaient pas dévoilées ?

Togo, Interdiction scélérate des manifs en semaine : Un comportement moyenâgeux du gouvernement  Faure/RPT/UNIR qui légitime la chienlit

Plus de manifestations de rues en semaine

Ce n’est pas une nouvelle loi votée par les députés à l’Assemblée nationale, mais simplement une décision prise par le gouvernement à travers le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi. Et c’est le préposé en personne et son collègue Yark Damehame de la Sécurité et de la Protection civile qui l’ont annoncée ce mardi.

« Les marches publiques les jours ouvrés sont désormais interdites sur l’ensemble du territoire national », toutes les manifestations de rue doivent dorénavant se dérouler seulement les week-ends. C’est l’essentiel à retenir de la sortie des deux ministres devant  la presse togolaise et internationale. «Les manifestations en semaine se feront sous forme de meeting ou de réunions publiques et les week-ends, elles  peuvent se faire comme d’habitude pour l’intérêt de tous », a dardé Payadowa Boukpessi.

A en croire les deux ministres qui se prêtent volontiers au mauvais rôle depuis le début de la crise, la mesure est motivée par le souci d’assurer «la tranquillité et la sécurité » des élèves et des activités économiques. Le gouvernement voudrait ainsi « protéger les élèves ». Effet induit de cette disposition, la marche prévue par la coalition de l’opposition sur la représentation diplomatique de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) à Lomé le mercredi 18 octobre prochain est de facto… interdite !

Le pouvoir est enfin parvenu à ses fins

Ouf, devrait-on pousser au sein du sérail, car on y nourrissait ces intentions depuis un longtemps. Cette mesure n’est que l’aboutissement d’un processus.

Le premier signal, en fait un coup d’essai pour sonder la réaction de l’opinion et prélude à cette décision, aura été le communiqué inique rendu public le mardi 29 août 2017 par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales. « (…) Ces manifestations publiques en semaine perturbent gravement le fonctionnement des activités professionnelles, de l’administration et celles des Togolais ordinaires. Elles agissent sur le secteur privé qui s’emploie au quotidien pour satisfaire ses carnets de commande, celles des chancelleries étrangères et ont un impact négatif sur la situation sécuritaire », avait dardé Payadowa Boukpessi. Le plus cocasse, il avait pondu ce communiqué au soir de la marche de la honte organisée par le RPT/UNIR le 29 août dernier et à laquelle il avait lui-même participé.

Deuxième acte, le dessein de restreindre les libertés de manifestations publiques qui s’est manifesté par l’élaboration d’un avant-projet de loi portant modification de la loi N°2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques publiques, que nous avions ébruité dans notre parution N°2516 du 14 septembre 2017. Dans ce texte, le gouvernement ambitionnait des mesures scélérates, comme à l’article 6 nouveau où on lit : « Les manifestations publiques de grande foule ou de petits groupes ou tous attroupements, quel que soit leur caractère, sont interdites durant les 30 jours qui précèdent la tenue sur le territoire national d’évènements importants de portée nationale, régionale ou internationale, engageant la vie de l’Etat. Ladite interdiction couvre aussi la période pendant laquelle l’évènement a lieu et durant les 15 jours qui suivent ledit évènement. Sont également interdits, pendant les mêmes périodes, les appels incitatifs à manifester verbaux ou écrits, avec ou sans menaces, de nature à décrédibiliser les institutions de la République, fragiliser l’ordre constitutionnel établi ou créer la peur et la terreur au sein de la population ».

De l’arbitraire XXL, le Togo ramené au moyen-âge

Cette mesure est une violation frontale de la loi N°2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques publiques dite « Loi Bodjona » qui, malgré ses imperfections, régissait jusque-là tant bien que mal les manifestations publiques. Une loi qui était mise à l’actif du pouvoir en place. « (…) Désormais, l’exercice de ces libertés est placé sous le régime de la déclaration (…) Une loi que le président de la Ligue togolaise des droits de l’homme trouve très avancée dans le sens où elle met fin à toute interdiction absolue et permanente quant aux manifestations les jours ouvrables et dans les villes intérieures du pays », écrivait à l’époque le confrère rfi.fr. Gilbert Bawara, l’autre porte-voix du pouvoir s’extasiait encore sur ce texte le jeudi 5 octobre dernier au Burkina Faso, au cours d’une rencontre avec les journalistes de ce pays pour une opération déminage et d’enjolivement de l’image du pouvoir de Lomé. A cette occasion, il a bombé le torse que contrairement à ce que « beaucoup de dirigeants à l’étranger  pensent », le Togo a « une réglementation conciliante sur les manifestations publiques » et « on peut y manifester  tous les jours de la semaine,  de 6h à 22h. La condition serait d’informer uniquement l’autorité qui peut avoir des recommandations ». Mais visiblement, le pouvoir choisit de ramener le Togo « 100 ans en arrière », disons plutôt au moyen-âge…

Par ailleurs, la mesure annoncée ne se fonde sur aucune disposition de cette loi qui a pourtant prévu les conditions de l’interdiction, qui n’est d’ailleurs pas générale, comme tente de le faire le gouvernement en décrétant la non tenue des manifestations en semaine. L’interdiction est une mesure exceptionnelle, motivée et signifiée par l’autorité compétente dans un délai bien défini, que l’on peut attaquer devant le juge administratif aussi contraint de se prononcer dans une procédure express. « Les décisions de l’autorité administrative compétente sont susceptibles de recours pour excès de zèle. En cas de saisine, le juge administratif compétent statue en urgence dans un délai de quarante-huit (48) heures par décision exécutoire sur minute », « La Chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaitre des cas de recours pour excès de zèle prévus dans la présente loi en attendant l’opérationnalisation des juridictions administratives de proximité », stipulent les articles 23 et 24 logés au Chapitre IV de cette loi consacré aux Disposition transitoires et finales.

Autre couac, la mesure n’est pas une loi votée par les députés à l’Assemblée nationale, mais une simple décision (sic) d’un ministre, fût-elle de l’Administration territoriale. Certains observateurs, présentent que l’argument de respect de la loi qu’avanceront les leaders de l’opposition sera exploité par le pouvoir qui en excipera pour envoyer son avant-projet scélérat de modification de la Loi Bodjona au Parlement pour vote.

Les non-dits de l’interdiction

Togo, Interdiction scélérate des manifs en semaine : Un comportement moyenâgeux du gouvernement  Faure/RPT/UNIR qui légitime la chienlit

La décision est arbitraire sur toute la ligne et se justifie sans doute par les desseins obscurs du pouvoir. Et les vraies motivations, à en croire des indiscrétions, c’est d’abord la volonté de restreindre les libertés de manifestations et étouffer la contestation populaire, mais aussi le souci d’éviter la jonction du front social et de la grogne sur le plan politique.

« Le pouvoir a tout essayé pour avoir les leaders et militants de l’opposition. Un coup, ce sont des armes qui seraient introduites au Togo par les dirigeants du PNP ; un autre coup, ses militants ont tiré et tué des gens dont l’enfant de 9 ans à Mango ; un autre encore, ce sont des armes de guerre qui auraient été saisies, mais on ne nous a jamais montré les auteurs (…) », confie une source, pour situer le contexte dans lequel s’inscrit cette mesure inique d’interdiction des manifestations en semaine. « Les deux ministres ont lâché un indice en parlant du souci d’assurer la sécurité des élèves. La vraie raison de cette mesure justement, c’est d’empêcher que la masse scolaire ne trouve des raisons de rejoindre dans la rue le front de la colère qui se fait entendre sur le plan politique, parce que le pouvoir n’a aucune intention de satisfaire de si tôt les revendications des enseignants dont la fondamentale est l’adoption du statut particulier et l’application immédiate de ses mesures qui nécessite des moyens financiers. Mais, vous le savez, le souci actuel du régime, c’est de trouver les moyens d’organiser le référendum annoncé. Et avec ce souci, les problèmes des syndicats des enseignants seront sacrifiés. Les grèves, les annonces de cours sautés, etc. peuvent encore pousser les élèves dans les rues, comme les années passées. Le front social s’anime déjà, avec des travailleurs de la Fonction publique qui se font entendre et les menaces à peine voilées de la Synergie des travailleurs du Togo, et cela ferait une équation compliquée pour le pouvoir s’il rejoint les politiques dans la rue…Autre manœuvre, et toujours liée aux élèves, on sait que ce sont eux, ainsi que des jeunes désœuvrés qui sont embarqués dans les contremanisfestations du RPT-UNIR. Mais avec la rentrée scolaire, ce petit bétail de marche acheté contre des billets de 2000 ou 1000 est réquisitionné à l’école et n’est plus disponible. Cette interdiction est une manœuvre du pouvoir pour éviter de laisser l’opposition seule maître de la rue», confie une source informée. Ceci peut donc expliquer cela…

En tout cas, cette mesure scélérate fait gerber au sein de l’opposition. Dans les rangs de la coalition des 14 partis, on n’entend pour rien au monde s’y plier.« Quand la loi est contre le peuple, le peuple devient hors-la-loi », croient dur comme fer certains de ses porte-voix qui font remarquer que le pouvoir donne des raisons à l’opposition de ne plus respecter la loi et pousse le peuple à devenir hors-la-loi. Une chose est sûre, il crée les conditions de la chienlit. Devant certaines mesures, on en vient à se demander si certains collaborateurs de Faure Gnassingbé n’ont pas des feuilles de route secrètes qu’il ignore, à savoir créer des situations qui révoltent davantage les populations, exacerber la tension déjà perceptible, précipiter la chute du régime et ainsi se débarrasser du Prince qui devient un problème même pour eux aussi…

Tino Kossi

Source :  Liberté No.2535 du 12 octobre 2017

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