Togo : Accusés injustement d’homicide avec l’aval d’un juge, 3 citoyens croupissent sans jugement depuis 2012 à la prison civile de Lomé.

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Depuis 2012, trois citoyens croupissent dans les cellules de la prison civile de Lomé au motif qu’ils seraient accusés de meurtre sur la personne de … Alors qu’en réalité, cette accusation cache simplement des envies d’accaparement des biens d’autrui. Et bien que l’actuel ministre Pius Agbétomey ait eu à connaître du problème et à intimer l’ordre à l’ancien doyen des juges d’instruction de procéder à la relaxe pure et simple des prévenus, ceux-ci continuent d’être privés de liberté.
 
Le 26 septembre 2012, le sieur Agadji Eve Komi, marié et père de famille a été mortellement agressé par un groupe d’hommes dans le quartier Avenou, non loin de la frontière avec le Ghana. Evacué à l’hôpital, il sera gardé en réanimation jusqu’à la survenue de son décès. A en croire les accusateurs, c’est un trio d’hommes qui seraient à l’origine de cette agression. Mais curieusement, lorsque les enquêteurs étaient venus arrêter le sieur Kouagou Komi le 12 octobre 2012 comme prévenu, c’était au su du sieur Sikirou Belo, et celui-ci n’avait pas cherché à prendre la clé des champs. Parce que ne se sentant pas concerné. Et quand, le 28 novembre, ils sont revenus arrêter celui-ci, Dutey Togbégan, le 3ème prévenu aussi avait été informé ; mais comme le 2ème, n’avait pas tenté de fuir le milieu. Et le 16 avril 2013, celui-ci également a été appréhendé et depuis, tous dorment à la prison civile de Lomé. Sans qu’ils n’aient jamais été présentés à quelque juge que ce soit !
 
Selon les renseignements que nous avons recueillis, l’actuel ministre de la Justice et des Relations avec les Institutions de la République, Pius Agbétomey aurait été informé du dossier et aurait chargé l’ancien Doyen des juges d’instruction, aujourd’hui affecté sur Kara, de régler au plus vite cette situation. Le ministre aurait haussé le ton au cours des échanges ; mais apparemment, ses paroles ne valent pas grand-chose. Visiblement, c’est une cabale qui est ourdie pour des desseins inavoués et que même le ministre ignore.
 
En effet, des sources assurent que des trois prévenus qui croupissent dans les geôles de la capitale, aucun n’était présent sur les lieux où l’agression se serait produite. Mais les mêmes sources renseignent qu’il y a quelque temps, à cause d’un litige foncier dans la zone située du côté du Ghana, le sieur Agadzi Eve Komi aurait déjà fait arrêter le nommé Klebé par la police ghanéenne dans le dossier. Et c’est en guise de représailles que le malheureux aurait été agressé. Les auteurs de l’agression mortelle ? « Le ver est dans le fruit », il revient à la police de faire son travail, en commençant par rechercher toutes les images prises le jour de l’agression et ne pas se limiter à la seule qui circule; la vérité s’y trouve assurément. Mais pourquoi alors avoir fait arrêter injustement trois personnes n’ayant rien à voir avec le décès du sieur Agadji Eve Komi ? Il n’y a jamais de fumée sans feu, et derrière ces condamnations à des peines inconnues sans jugement, se dresse une autre histoire dont nous avons eu connaissance.
 
Accaparement de terrains, le fil conducteur
 
Dutey Togbegan Nestor, un des prévenus, est fils de Mawuli, lequel est, avec Kokou, fils de Dutey Azeh, lui-même fils du grand père Azeh, lequel fait partie des enfants de l’aïeul Agadji qui a eu en tout 6 enfants : Azeh, Agbodenougbe, Agbi, Tossou, Ahaligan et Kounégbéi (une femme). Ce qui veut dire que Dutey Togbegan est de la lignée directe d’Agadji. En plus, nous avons appris que le grand père Agadji s’était remarié à une femme ayant déjà eu des enfants ailleurs avec un certain Azahoun: Kouagou et Eve. Autrement dit, les Kouagou et les Eve ne sont pas de la lignée d’Agadji. Soit dit en passant, l’aïeul Agadji serait propriétaire d’un vaste domaine qui fait pâlir d’envie plus d’un dans le milieu. En plus, une affaire foncière opposerait les Agadji et Dutey aux Eve devant un tribunal ghanéen, et dans ce dossier, Dutey Togbégan serait le plus instruit et celui qui maitrise mieux les contours de cette affaire. Autrement dit, son éloignement et son maintien dans une prison, loin des terres ghanéennes de ses aïeux, ferait l’affaire des Eve.
 
Quant à Kouagou Komi, le premier prévenu, un litige l’oppose aussi à la famille Eve, toujours de l’autre côté de la frontière.
 
Le cas de Sikirou Bello, talonné par une cécité progressive du fait de son séjour à durée indéterminée en prison, fait hérisser les cheveux. En mars 1980 et mai 1988, deux terrains ont été acquis par la famille Bello auprès de Kouagou Amaglo et Agadji Eve Koami. Parmi les témoins, figure un certain Agadji Eve Eklu (les informations disent que le nom Agadji serait une usurpation de patronyme). Mais en janvier 2010 et mars 2011, des enfants du sieur Agadji Eve Eklu dont Attissogbui et Paul ont argué que les prix auxquels les deux terrains avaient été cédés par leurs parents étaient insignifiants. C’est ainsi que la famille Bello a encore sorti en tout 3,5 millions de FCFA pour s’assurer définitivement la propriété de ses deux terrains, en prenant soin de faire établir auprès du notaire Amaté Madjé Atayi par les nouveaux revendeurs un acte notarié prouvant qu’ils sont les vrais mandataires de la collectivité Agadji Eve. Le sieur Agadji Eve Eklu, géniteur d’Attissogbui et de Paul était le témoin ayant assisté à cette revente abusive par ses enfants. Mais malgré tout, ces héritiers reviennent à la charge peu de temps ensuite, et après avoir injustement accusé Sikirou Bello d’avoir agressé Agadji Eve Komi –ce que le juge n’a pas démontré à ce jour- et l’avoir fait emprisonner, ont procédé à la démolition des deux terrains bâtis. La boucle a été récemment bouclée, puisque nous apprenons qu’au moins un des terrains a été vendu à une dame !
 
Voilà comment les trois prévenus se sont retrouvés depuis 2012 et 2013 derrière les barreaux, sans qu’on n’ait pris le temps de les écouter. On comprend pourquoi certains n’ont pas intérêt à les voir relaxés pour un crime auquel ils ne sont pas partie. La justice togolaise est-elle descendue aussi bas ? Nous apprenons que derrière le maintien en détention et l’absence de jugement, se trouve un juge, ancien substitut du Procureur de la République et aujourd’hui affecté ailleurs. Mais malgré son affectation, il serait toujours dans les allées de la Cour d’appel, pour que ce dossier ne lui échappe pas. Pour retrouver son nom, il suffira de remonter au moment de la délivrance des mandats de dépôt.
 
Si entre-temps on a fait semblant de convoyer les prévenus devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel, sur convocation du juge Wiyao, il nous revient que l’audience n’a jamais eu lieu ; les prévenus ne sont jamais descendus du véhicule qui les y a emmenés, puisque le juge était ce jour à une autre audience et ignorait tout du jeu dont l’objectif serait de soustraire les prévenus au regard de Poyodi Essolissam, Procureur de la République.
 
Et si c’était un parent du ministre de la Justice Pius Agbetomey qui était parmi les prévenus ? On veut croire que ce dossier connaîtra au plus vite son épilogue, que les prévenus seront rétablis dans leurs droits et surtout que le Conseil supérieur de la magistrature se saisira du dossier de ce juge ô combien suffisant sur qui des individus peuvent s’appuyer et commettre des forfaits, en toute impunité. En espérant que tous ceux qui ont assisté au déroulement des faits depuis le début, resteront en vie jusqu’à l’épilogue de cette affaire. Bon à suivre.
 
Abbé Faria
 
Source : Liberté No.2527 du 02 octobre 2017
 

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