Route Notsè-Tohoun, chantier hanté par le sort de Lomé-Vogan-Anfoin

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Route Notsè-Tohoun, chantier hanté par le sort de Lomé-Vogan-Anfoin

Samedi 07 janvier, jour ordinaire à Notsè, à une centaine de kilomètres de Lomé. D’ici, le Bénin est à une soixantaine de kilomètres, relié par une route qui a la réputation d’être l’une des plus impraticables du Togo. Après plusieurs promesses, en février 2015, le gouvernement lance enfin les travaux de son bitumage. Deux ans après, la situation a à peine changé.

Sur les premiers kilomètres, les roues de notre engin glissent agréablement sur une route bien tracée et solidement recouverte de bitume. Le paysage rustique traversé par le goudron offre un décor longtemps espéré par les riverains. Riverains ? Il faut dire que les premiers kilomètres de la route Notsè-Tohoun sont très peu densément peuplés.

A une dizaine de kilomètres, fin de la chaussée bien rechargée. Commencent des déviations rendues obligatoires par l’état du reste de la route, toujours en chantier. Sur le bas-côté, sur une barrière de fortune de la Gendarmerie, quelques hommes en treillis contrôlent les allers-retours. « Où allez-vous », lance le gendarme ; « un peu devant », lui répondons-nous, avant de franchir la corde baissée et de nous engouffrer davantage en pays Adja-Ewé. Quelques mètres plus loin, le pont, non encore ouvert, est impressionnant. Jusqu’ici, il faut tout de même continuer par emprunter le très dangereux ancien pont qui date d’une époque très lointaine et qui voit s’éteindre, dans son ravin, la vie de plusieurs usagers dont celle d’un ancien député de la zone. Au total deux ouvrages d’art devraient être réalisés sur tout le tronçon. Mais pour l’instant, on n’y est pas encore.

Devant nous, un véhicule bâché de transport public bondé de commerçants, probablement en direction du Bénin, avance difficilement sur ce tronçon, très éprouvant dans sa grande partie pour roues, moteurs et carrosseries des engins. Mais ont-ils le choix ? Pas vraiment.

En effet, l’état désastreux de cette route ne date pas d’hier, contraignant les habitants et ressortissants des localités situées dans la région à des gymnastiques compliquées. « Pour rentrer au village ou revenir à Lomé, moi j’ai pris l’habitude de passer par la Hilacondji, je traverse la frontière vers le Ghana avant de remonter à la hauteur de notre village pour ensuite rentrer dans le Togo », témoigne Léon, un fils de la localité.

Le lancement, le 20 février du chantier de bitumage de la route avait suscité beaucoup d’espoir. Un espoir qui, une fois encore, laissera désormais place à des inquiétudes. Les riverains n’arrivent plus à compter le temps. « Ce chantier est à la traîne depuis plus d’un an », nous rappelle un monsieur sorti à notre rencontre à la hauteur d’un village nommé Mangotigomé. En effet, cela fait deux ans que Faure Gnassingbé a lancé les travaux, pour deux ans. A cinq semaines de l’expiration du délai, même le tiers du chantier n’est pas achevé.

Sur la première partie du tronçon, les engins de l’entreprise Midnight Sun vrombissent encore. Mais impossible de rendre les travaux le 20 février prochain. Les travaux ont été confiés à un groupement d’entreprises, notamment Midnight Sun, Ceco-Btp, Lukas Glaser et Maritime Rose. « Il y a longtemps qu’on a encore vu les autres entreprises sur le chantier », confie un habitant d’Asrama, canton situé sur le tronçon.

Sous nos yeux, à Asrama, 29 kilomètres de Notsè, un camion de Ceco-BTP ramasse les nombreux bétons préfabriqués pour les canalisations. Quelques ouvriers s’acharnent à porter à bout de bras des masses avant de les passer à d’autres qui les disposent dans les véhicules. En face, une base du chantier entourée de tôles qui s’étend sur des hectares semble abandonnée. Il suffit de monter sur les petites collines formées par les rejets de sable extraits pour la construction des caniveaux, pour s’apercevoir de l’absence de toute présence humaine dans l’enclos. D’importants tas de graviers, sont encore visibles sur les lieux. La scène est symptomatique de la situation qui prévaut sur 57 kilomètres de chantier : désertion des entreprises.

L’Alternative s’est procuré un courrier datant du 26 novembre 2016 dans lequel l’entreprise Ceco-BTP cédait toute la part qui lui revenait sur le chantier à Midnight Sun, consacrant son départ définitif.

« Pour un coût global de près de 36 milliards de francs CFA financé par la Banque ouest africaine de développement (BOAD) et l’Etat togolais, cette nouvelle voie qui sera disponible dans 24 mois, va se présenter en rase campagne, comme une plate-forme de 10 m de large, soit une chaussée de 7 m de large avec deux accotements de 1,5 m de part et d’autre, et en agglomération, la largeur de la plate-forme sera de 13 m avec une chaussée de 9 m de large et deux trottoirs de 2 m de part et d’autre », avait expliqué le ministre en charge des Infrastructures et des Transports, Ninsao Gnofam.

On apprend qu’il est également prévu la construction, en plus des deux ouvrages d’art sur la rivière Haho et à Kpégadjé, des infrastructures sanitaires et communautaires, notamment des centres de santé et des marchés tout au long de la voie. Ces infrastructures devront, elles aussi, attendre. Jusqu’à quand ? Personne ne sait, sauf Nisnsao Gnofam et les entrepreneurs chargés des travaux.

Comme d’autres chantiers dans le pays, celui de cette route est en souffrance. Une souffrance partagée par les populations riveraines, qui ont trop longtemps réclamé ces travaux ; mais qui devront malheureusement attendre encore, probablement pour longtemps. La création d’emplois au niveau de la population des villages riverains, la bonne desserte des zones concernées devant faciliter l’écoulement des productions agro-pastorales, le développement des secteurs du commerce, du tourisme et des transports, de même que la fréquentation des structures d’éducation, de santé et de réduction des risques d’accidents, etc. tous ces avantages vantés à ce chantier ont très vite fini de faire place à une désolation davantage plus grande qu’avant les travaux.

Le drame de ces chantiers qui n’en finissent pas est qu’ils viennent encombrer plus la voie qu’avant et dégradent le peu qui existait, créant des préjudices quotidiens aux riverains, sans que ces derniers n’aient de recours devant les soulager. Le cas de la route Lomé-Vogan-Anfoin est certainement le plus symbolique des préjudices subis par les populations dans le cadre de chantiers de bitumage.

« La dernière fois, les services d’hygiène sont passés pour me verbaliser dans mon bar au motif qu’il y a trop de poussière et de toiles d’araignée. Or avant leur visite, j’avais déjà nettoyé trois fois les tables et le comptoir. Ils ont encaissé indûment 2.500 F CFA avant de ressortir. Il y a eu après eux les agents de la mairie qui ont suivi, toujours pour me verbaliser. Ceux des impôts ne nous lâchent pas. Et pourtant, comme vous pouvez le constater, les quelques clients qui venaient ont déserté les lieux, à cause de la poussière. Les 24 et 31 décembre, j’ai dépensé 500 francs pour payer de l’eau et arroser la devanture. Seulement ça n’a pas duré et un couple qui venait de garer, a dû repartir, après qu’un camion était passé, charriant avec lui de la poussière », a témoigné un riverain de la route Lomé-Vogan-Anfoin auprès de nos confrères de Liberté, dans leur parution du jeudi 12 janvier dernier.

Revenant sur le cas de la route Notsè-Tohoun, on est aujourd’hui en droit de se demander ce qui se passe réellement. Pourquoi ce mutisme du gouvernement sur la lenteur voire l’arrêt des travaux de ce chantier ?

Maxime DOMEGNI

icilome.com