Procès des militants du PNP au Tribunal de Lomé : Que retenir ?

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Mardi, au moment où le parti UNIR recrutait des marcheurs pour remplir les rues de Lomé dans le cadre de sa fameuse manifestation dite « républicaine » pour la défense des valeurs de la démocratie (comme si le Togo est un pays démocratique), le Palais de la Justice de la capitale togolais et ses environs ont été placés sous haute surveillance. Les forces de l’ordre armées jusqu’aux dents ont quadrillé la zone. Ceci pour intimider les militants et sympathisants du Parti National Panafricain (PNP) de venir soutenir leurs amis et frères (dont le sort reposait sur le coup de file des personnes haut placées en lieu place d’un juge), interpellés lors des manifestations du 19 août dernier.

Mardi au Tribunal de Lomé, le procès des 27 personnes interpellées les 19 et 20 août derniers à Lomé dans le cadre des manifestations du Parti National Panafricain (PNP) a été très long. L’audience démarrée à 8 heures du matin n’a connu son épilogue que vers 18 heures.

Au début, tout allait très bien. Les prévenus, chacun à son tour à la barre, ont fait leur déclaration. Certains avaient soutenus devant le président du Tribunal qu’ils n’étaient ni sympathisants ni militants du PNP. Mais de simples passants que les forces de l’ordre, dans leur zèle effréné, ont interpellé, les confondant avec les manifestants. Du genre, ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment. D’autres prévenus ont tout simplement avoué leur militantisme et confirmé avoir manifesté le 19 août pour le compte du PNP.

Durant tout le procès, c’est la déclaration d’un certain Djiwa (l’un des accusés) qui a donné une sérieuse migraine aux avocats de la défense. Même le président du Tribunal de Lomé, n’a pas été épargné. Cet individu dont le nom ne se retrouve ni sur la liste des avocats de la partie défenderesse ni sur celle du procureur, se réclamait, au début, un militant puis un sympathisant du PNP. Mais après son témoignage, tout porte à croire que c’est « une taupe », « un infiltré » que le régime a inséré dans le groupe, histoire de faire tomber tous les militants du PNP comme l’avait fait un certain Mohamed Loum, dans l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara.

Le sieur Djiwa affirme avoir reçu des messages vocaux sur What Apps appelant à manifester le 20 août 2017, ceci pour venger les victimes de la marche du 19 août. Dans les messages, précise ce prévenu, il a été demandé aux manifestants de se munir « des armes blanches ».

« Moi j’étais venu ce dimanche avec un coupe-coupe. Et quand j’ai sorti mon coupe-coupe, les manifestants autour de moi m’ont dit de le cacher vite. Mais je ne l’ai pas fait avant que les forces de l’ordre m’ont interpellé », a-t-il débité à la barre.

Mais après plusieurs questions à lui posées par le collège des avocats, l’on a facilement déduit que le Sieur Djiwa n’est autre qu’un intrus. D’autant plus que ses déclarations, dénuées de logique, déclenchaient l’hilarité dans la salle d’audience.

« Es-tu une taupe, un agent infiltré? », lui demandait Me Dodji Apévon, l’un des avocats de la défense.

Fort de ses déclarations fallacieuses, le collège des avocats, composé de Me Dodzi Apévon, de Me Kpandé Adzaré, Me Agbogan Célestin, Me Amégan et Me Amékoudji, a décidé de ne plus le défendre.

« C’est une taupe dont l’on veut se servir pour accuser les militants du PNP de violence », a soutenu Me Dodji Apévon au sortir de l’audience.

Le Procureur Mawama, dans sa réquisition, n’a pas été clément avec les militants du PNP. Sa peine de 18 mois de prison requise contre le Dr Same Kossi, Secrétaire Général du PNP, illustre bien la portée politique du procès. Mais la défense dans sa plaidoirie n’a pas manqué de mettre le Président du Tribunal devant les faits. Surtout que les accusations portées contre ces militants sont difficilement démontrables. Le Tribunal n’avait pas la possibilité de démontrer individu par individu la participation de la personne à l’infraction qui lui est reprochée.

Après délibération, le Président du Tribunal de Lomé, sur les 27 prévenus, a décidé de libérer 12 au bénéfice du doute. Les 15 autres prévenus ont été reconnus coupable pour  » rébellion, dégradation, violences volontaires ou voies de fait ».

A l’exception de Dr Sama Kossi qui a écopé de 18 mois de prison, dont 9 avec sursis, les 14 militants ont été condamnés chacun à 12 mois de prison, dont 7 avec sursis. Pour Me Dodji Apévon, ce procès est tout sauf équitable.

 » Nous qui sommes des défenseurs de droit de l’homme, nous sommes sortis très frustrés par ces décisions du juge. J’ai une vraie frustration. Parce que nous sommes en matière pénal. Lorsque vous poursuivez quelqu’un, il faut avoir la possibilité de démontrer individu par individu la participation de la personne à l’infraction qui lui ai reprochée. Mais ce que le procureur a requis aujourd’hui (mardi dernier, ndlr) et qui a été malheureusement suivi par le président du Tribunal, je ne vois pas comment ils sont arrivés à asseoir la culpabilité de tous ceux qu’ils ont condamnés. C’est vrai qu’ils ont fait un travail en libérant les douze personnes au bénéfice du doute, mais si on doit juger, normalement et globalement, c’est tout le monde qui doit être relâché. Parce que c’est dans les mêmes conditions qu’on a arrêté tout le monde. On n’a pas trouvé quelqu’un qui est en train de détruire ou en train de poser un acte. Quand ils ont eu le courage de libérer les 12, les 15 autres doivent être libérés. Ils ont fait un jugement à la puriste, c’est à dire on libère pour contenter l’opinion et puis on condamne pour dire qu’ils ont donné un jugement équitable. Mais en réalité, pénalement, il n’y a pas d’éléments pour asseoir ces culpabilités », a indiqué Me Dodji Apévon.

Selon lui, ce procès est hautement « politique ». Et c’est un secret de polichinelle. « Tout cela est une manœuvre pour intimider. Parce que aujourd’hui (mardi, nldr) on a jugé les gens à Lomé, à Kara, à Anié et à Sokodé… C’est la première fois qu’on voit des Tribunaux à l’intérieur du pays synchronisé des jours de jugement comme cela. Le mot d’ordre est venu de quelque part et ils n’ont qu’exécuté », a jouté Me Dodji Apévon.

Pour le cas du Dr Sama Kossi, le collège des avocats compte faire appels.

Précisons que lors du procès, certains jeunes ont été recrutés par le régime pour remplir très tôt le matin le Tribunal, histoire d’empêcher les militants du PNP d’y avoir accès. Selon les militants contactés, les forces de l’ordre postées au portail du Palais de la Justice leur avaient dit que le Tribunal est plein et qu’il n’y a plus de place.

C’est vers la fin du procès quand un journaliste, par inadvertance, est allé s’asseoir parmi ces personnes recrutées, qu’il a été abordé pour émarger sur la liste des recrus, que l’on s’est rendu compte que le Tribunal n’a été rempli que des jeunes badauds sollicités pour la cause du régime.

Quoiqu’il en soit, ces manœuvres d’intimidation ne découragent pas les hommes politiques. Selon Dodji Apévon, on ne peut pas empêcher un peuple de se révolter lorsqu’il est frustré.

KG.

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