Mohamed Ibn Chambas, une plaie pour la démocratie au Togo

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La situation politique est tendue depuis plus d’un mois au Togo. Le peuple togolais, à l’appel de la coalition de l’opposition, manifeste dans les rues pour réclamer, non plus la mise en oeuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles signées il y a onze ans, mais le retour pur et simple de la constitution de 1992 dans sa forme originelle ou, dans le cas échéant, le départ de Faure Gnassingbé. C’est dans cette nouvelle donne que s’invite le controversé représentant du Secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’ouest, Ibn Mohamed Chambas, dont on ne présente plus.

La lutte pour l’application de l’Accord politique global (APG) signé en août 2006 atteint un tournant décisif. Une coalition composée de 14 partis politiques est née dans la foulée et décidée à forcer le régime des Gnassingbé à opérer les réformes constitutionnelles et institutionnelles censées ouvrir le Togo à la démocratie et à l’alternance.

En dépit des répressions sauvages qui accueillent les manifestations de rue, le peuple continue de montrer sa soif d’aller au bout de ses revendications (retour à la Constitution de 1992 dans sa version originelle, le vote de la diaspora, la libération des détenus politiques, etc.).

De nouvelles manifestations sont annoncées pour la semaine prochaine. Le pouvoir, lui, a fait voter par ses débutés à l’Assemblée nationale un texte de révision constitutionnelle sauf que l’opposition y voie une volonté d’offrir deux mandats supplémentaires à Faure Gnassingbé. Elle réclame la loi fondamentale de 1992 qui précise en son article 59 qu’« En aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats » et son application immédiate.

Une première visite d’Ibn Mohamed Chambas à Lomé sans succès

C’est dans la foulée que Dr Ibn Mohamed Chambas, 67 ans, avocat de profession, homme politique ghanéen, nommé Représentant spécial et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest le 12 septembre 2014, connu pour sa complicité avec Lomé II, débarque dans la capitale togolaise dès l’enlisement de la crise, début septembre. Son immixtion dans cette nouvelle crise ne surprend personne, puisque comme toujours, lorsque le régime Faure Gnassingbé se trouve en difficulté, c’est à lui qu’il fait appel pour le sale boulot.

Et donc avant de rallier Lomé, Ibn Chambas pris soin d’afficher sa position, en soutenant sur une radio de son pays que le Togo est en paix et de traiter les opposants de quelques individus qui s’agitent et troublent la quiétude.

Sa visite cristallise la tension. Car considéré comme un diplomate onusien qui ne refuse rien au régime togolais. N’a-t-il pas proposé à Jean-Pierre Fabre, à la veille de la présidentielle de 2015, de laisser Faure Gnassingbé briguer un autre mandat, le troisième, parce que lui chef de file de l’opposition a tout le temps devant lui pour devenu président après, vu son âge ?

Toujours est-il que le Ghanéen a rencontré le 7 septembre dernier le président national de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et ses camarades de l’opposition. Il lui a été dit de rapporter à son ami président que le peuple exige le retour à la Constitution 1992. Le diplomate quitte le Togo sans avoir obtenu une solution à la crise.

Un second round en préparation

Pour le moment l’opposition ne veut rien lâcher. Elle compte sur la mobilisation populaire pour obtenir gain de cause. Son adversaire prépare un référendum pour faire passer la révision constitutionnelle à sa manière. La tension monde d’un cran. Beaucoup redoutent des lendemains incertains.

Le Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, après son premier échec, ne baisse pas les bras. Sur BBC Afrique, il affirme continuer les tractations. Toutefois, il a déjà validé l’idée de l’organisation d’un référendum pour faire passer la révision constitutionnelle taillée sur mesure à Faure Gnassingbé. Or l’opposition exige le retour à la Constitution de 1992 dans sa version originelle.

Le Ghanéen, toujours sur BBC Afrique, dit ne pas hésiter à impliquer d’autres personnalités africaines pour trouver une issue à la crise politique togolaise afin de sauvegarder la paix. Soit. Mais ce que a majorité des Togolais veut, c’est l’alternance politique au sommet de l’Etat. Elle refuse que son pays soit le seul en Afrique de l’ouest où l’alternance est une commodité rare pour reprendre l’expression de l’ancien président du Nigeria Olusegun Abasanjo.

Que dit Faure Gnassingbé dans tout cela?

En dépit de l’inquiétude de la situation, le chef de l’Etat se mure dans son silence habituel. « Dans le contexte actuel, une allocution de Faure Gnassingbé qui cristallise toutes les rancœurs du peuple togolais serait utile. Même s’il ne cède forcément aux revendications des populations qui, au-delà du retour à la Constitution de 1992, exigent en fait son départ immédiat du pouvoir et l’alternance, ses mots auraient de l’effet. Il a toutes les clefs en main pour apaiser les cœurs », écrit le quotidien local Liberté N°2525.

La Lettre du Continent dans sa livraison N° 761 du 27 septembre 2017 croit savoir que bien qu’il soit jusqu’à présent resté silencieux, le chef de l’Etat met ses « ‘’sécurocrates’’… en état d’alerte maximale ». « Inédites de par leur ampleur, les manifestations de l’opposition obligent le chef de l’Etat à mobiliser les piliers de son régime », précise-t-il .

Au même moment, lui et la minorité pilleuse récusent la délégation de la Francophonie afin de laisser le champ libre au controversé diplomate ghanéen. Pas question, avertit le front citoyen « Togo Debout » parce qu’Ibn Chambas, selon lui, « a déjà joué un rôle très trouble dans les différentes crises qu’a connue le Togo ».

Selon de nombreux observateurs, Mohamed Ibn Chambas est une plaie pour la démocratie au Togo.

A.H.

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