« Faure Gnassingbé m’a dit qu’il ne sera pas éternel », a révélé Awa Nana Daboya aux populations de Bè à Lomé, le 31 Mai dernier. Une évidence qui n’a rien à avoir avec la justice, les garanties de non répétitions et surtout la vérité liées aux exactions que les Togolais continuent de subir sur tous les plans.
Justice Transitionnelle, réparations, réconciliation, vivre ensemble… un ensemble de mots sur lesquels roule le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) de madame Awa Nana Daboya pour, dit-on, amener les Togolais à s’accepter les uns les autres et rompre avec les pages sombres de l’histoire de ce pays.
Et pourtant, il est donné de constater qu’on est dans un Togo où les Tems de Sokodé font allègrement leur commerce à Dapaong et à Cinkassé, Les Kabyè travaillent tranquillement la terre dans les Plateaux (Kpalimé, Atakpamé). Les agents de l’administration publique qui ont eu la chance d’être mutés à Kara ne cesseront jamais d’apprécier l’hospitalité et la générosité de leurs concitoyens du Nord et le plaisir de partager des sagesses tous azimut autour d’une calebasse de tchouk, malgré la misère ambiante dans cette partie du pays.
Lomé illustre ce genre de melting-pot où, Tchokossi, Ana, Moba, Tem, Ewé, Guin, Kabyé, Lamba,… tous les fils et filles de la Terre de Nos Aïeux se côtoient dans les administrations publiques et privées, dans les écoles, églises, mosquées, hôpitaux et centres sociaux dans la plus grande fraternité.
Puisqu’il se terre dans sa tour luxueuse à Lomé II ; qu’on vide les rues et les quartiers de leurs hommes à chacun de ses passages, qu’il n’a du temps que pour des voyages, comment Faure Gnassingbé peut-il toucher du doigt la cohésion sociale qui baigne entre les citoyens togolais sans distinction aucune ?
Pendant que le peuple uni demande des hôpitaux pour se soigner, de l’eau potable à boire, des emplois pour tous les jeunes diplômés, des écoles et universités pour se former, de la sécurité et la protection sociale pour vaquer aux activités quotidiennes, de la justice, bref de tout ce qui doit régner dans un pays normal, le fils de Gnassingbé Eyadema joue à la diversion et avec son entourage.
Pendant que tout le peuple appelle au respect de la Constitution (celle de 1992), des recommandations de l’APG, celles de la CVJR, pendant que les Togolais lui réclame la tête du ministre qui a jeté 26 milliards de F CFA du trésor public par la fenêtre, qu’on exige un procès dans l’affaire des incendies des grands marchés du Togo, la vérités dans les enquêtes sur les citoyens que tue l’armée au cours des manifestations publiques et pacifiques, qu’on lui demande des réformes politiques et socio-économiques, Faure Gnassingbé s’amuse à envoyer des émissaires déclarer en son nom, qu’il « ne sera pas éternel ». Tout comme s’il avait le pouvoir lui, d’être un immortel.
Bien avant Awa Nana Daboya, c’est Robert Dussey qui, pris au dépourvu (question sur la longévité du Faure Gnassingbé au pouvoir), sur Deutsche Welle (quelques jours avant le sommet de Lomé en Octobre 2016), avait fini par lâcher, arguant lui aussi que Faure Gnassingbé ne comptait pas s’éterniser au pouvoir. Comme s’interrogerait l’autre, « Et puis quoi » ?
Ce n’est pas là le problème des Togolais. Il faut que les urgences telles que les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales soient mises en oeuvre, avec la limitation du mandat présidentiel et l’effectivité du mode de scrutin à deux tours. Les Togolais ne devraient quand même pas patienter que Faure Gnassingbé finisse sa vie sur terre avant que ceux-ci n’aient droit aux soins de qualité, à l’éducation, aux emplois, à la justice, à la sécurité et protection sociale, à trois repas par jour.
Faudrait-il attendre la fin de la vie des Gnassingbé pour avoir droit à un Chef d’Etat ouvert, qui expose son plan d’action gouvernementale devant une vraie Assemblée Nationale, qui ne va pas pleurer 2 morts en France pendant que son armée en tue des dizaines à la première occasion au pays ?
Celui qui doit tourner les pages sombres de l’histoire, ce n’est pas le peuple togolais. Ce n’est ni les populations de Bè, ni celle d’Atakpamé, même pas les Togolais d’Aného (qui ont essuyé la pluie des balles depuis un hélicoptère), ou ceux de Mango, encore moins les concitoyens de Kara.
C’est aux uns de libérer leurs frères emprisonnés ainsi que tous les prisonniers politiques, aux autres de mettre les bastions militaires, les armes et les balles dans les casernes quand le peuple manifeste, aux malins de respecter l’intelligence du peuple en se passant des dizaines de postes dont ils s’accaparent à eux tous seuls, aux pilleurs des ressources de l’Etat de libérer le peuple et son économie, bref à la minorité pilleuse reconnue comme telle par Faure Gnassingbé lui-même de prendre conscience.
Le reste n’est que du folklore d’un régime cinquantenaire à l’affût de dilapidation des deniers publics, soutenu par des institutions fantoches mises en place, sous prétexte d’un hypothétique besoin de réconcilier le peuple togolais.
A. Lemou
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