Crise sociopolitique : De la question l’impunité au Togo

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L’impunité a fait son lit au Togo. C’est d’ailleurs peu de le dire. Malheureusement, elle continue d’être entretenue par les premiers dirigeants du pays de sorte de prévoir sa fin dans notre relève d’une gageure. Ce triste et amer constat est fait, non seulement par les citoyens Togolais mais aussi par des observateurs de la vie sociopolitique du Togo. Des actes graves continuent d’ailleurs d’être posés sur la « TERRE DE NOS AÏEUX » confirmant d’ailleurs le manque de volonté de ceux qui tiennent les rennes de ce pays de mettre fin à ce qui d’ailleurs continue d’être le terreau sur lequel fleurit de nouveaux crimes et violations des droits humains. C’est d’ailleurs parce que l’impunité constitue une sorte de prime aux crimes et abus de toutes sortes qu’il nous incombe comme responsabilité de nous investir pour la bannir au sein de notre société.

L’exemple le plus palpable et patent qui défraie depuis quelques semaines la chronique, est sans nulle doute la décoration par le chef de l’Etat togolais, Faure GNASSINGBE du fameux Major KOULOUM N’ma Bilizim. Malgré que l’homme soit identifié comme un « présumé acteur » des violences et tueries dans la préfecture de l’Ogou et plus précisément à Atakpamé en avril 2005, et cité à ce titre dans différents rapports des organisations de défense des droits de l’Homme tant nationaux qu’internationaux, le premier magistrat du pays a jugé utile de couvrir d’une distinction de la République aux nez et à la barbe des Togolais et de ses victimes.

En effet, suite aux graves événements survenus au Togo surtout en avril 2005, les rapports de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) et de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation (CVJR), ont conclu que l’impunité reste au cœur de la grave crise togolaise. Il faut relever en parcourant le cours de l’histoire togolaise que l’impunité est érigée en mode de gouvernance depuis 50ans. Elle devient une préoccupation transversale se retrouvant au cœur de toutes les questions qui préoccupent les Togolais.

Historiquement parlant, l’impunité a été consécutive à l’action coloniale où la logique de la domination/soumission a conduit à des violations graves dont les populations togolaises dans leur ensemble portent encore aujourd’hui des séquelles. Ces violations sont restées impunies jusqu’alors.

L’érection et l’imposition intervenue plus tard d’un parti unique, comme parti-Etat par Gnassingbé Eyadema continuent d’occasionner des actes graves d’impunité sur toute la ligne. Aujourd’hui encore l’impunité continue d’être garantie aux acteurs de divers forfaits économiques dans notre pays coincé dans les griffes d’un système politique qui refuse toute idée d’alternance et de transparence. Et ce n’est pas le chef de l’Etat Faure GNASSINGBE qui nous démentirait puisque dans l’une de ses adresses à la Nation togolaise, le 26 avril 2013, il a reconnu que c’est une minorité qui fait mains basses sur les richesses du pays qu’il dirige. Chose curieuse, un an après, il confirme toujours dans son adresse au peuple que des surfacturations se font dans l’administration dont il est le premier responsable. Surprenant que ces mots viennent de la plus haute autorité de l’Etat à qui la constitution donne tous les pouvoirs de sévir, au lieu de dénoncer. Le constat est clair mais très amer. Mais cela se comprend aisément avec une petite analyse faite sur la manière dont l’Etat même est géré.

Aucun des mécanismes de contrôle et de contre-pouvoir ne fonctionne efficacement dans le pays. L’exemple de la Cour des comptes est patent et illustre bien la situation de mauvaise gestion des biens publics puisque jusqu’à ce jour, à en croire les indiscrétions d’un député, les membres de cette Cour n’ont pas encore été présentés au chef de l’Etat parce que, dit-on ce dernier à un calendrier très chargé. Et cette situation dure des années déjà.

Cette situation coïncide malheureusement avec le comportement du chef de l’Etat qui, depuis son accession au pouvoir, refuse de rendre compte au peuple via le parlement comme le prévoit la constitution togolaise en son article 74. Selon cet article, le chef de l’Etat a l’obligation de présenter l’Etat de la Nation devant l’Assemblée nationale au moins une fois par an. Mais force est de constater que depuis douze (12) ans qu’il est aux affaires, Faure Gnassingbé ne s’est jamais, ne serait-ce qu’une seule seconde, pointé devant les députés pour un simple bonjour. Idem pour la déclaration de ses biens et avoirs dont lui fait obligation l’article 145 de la même constitution, même dans sa version plusieurs fois tripatouillée. Juste deux exemples pour illustrer la culture de l’impunité au sommet de l’Etat.

Venant au gouvernement, à qui rendent-ils compte ? Quid des responsables des institutions, les directeurs généraux des sociétés d’Etat… ? Qui est-ce qui contrôle le fonctionnement de l’administration togolaise ? Personne malheureusement ! Comment alors s’étonner que l’impunité soit garantie à tous les niveaux, au point même d’être érigée en système de gouvernance par ceux-là même qui président à la destinée du pays et qui, pourtant soumettent la majorité à une diète ? « Enlève la poutre sur ton œil avant de chercher à enlever la paille qui se trouve sur celui de l’autre », dit l’adage.

Que demande aujourd’hui le citoyen togolais? Juste que ce cycle infernal de l’impunité soit brisé, annihilé et que les actes délictueux connaissent un début de clarification. Que ceux qui posent ces actes-là ne se sentent plus à l’abri ou protéger par les premiers dirigeants comme le peuple le constate malheureusement aujourd’hui.

La question de l’impunité est une gangrène qui ronge amèrement la Nation togolaise et plombe malheureusement tout ce qui est entrepris dans le sens de son éradication. Les recommandations de la CVJR et ces nombreux ateliers de sensibilisation et autres du Haut – Commissariat à la Réconciliation et à la Recherche de l’Unité Nationale (HCRRUN) sonnent aujourd’hui comme un leurre, sinon la poudre aux yeux, faute à la sincérité des autorités togolaises.

Parlant de la réconciliation, la décoration des « présumés bourreaux ou auteurs» des exactions ou leur nomination à la tête des institutions de la République met à mal tout ce qui est entrepris pour prétendre mettre fin à l’impunité. C’est le cas de la décoration du Major KOULOUM qui, entre autres, contribue à plomber la réconciliation au Togo. Puisque, on le rappelle, cet individu a été reconnu comme étant un « présumé acteur » des violences et tueries dans la préfecture de l’Ogou et plus précisément à Atakpamé en avril 2005.

Il est temps que les dirigeants togolais fassent profil bas pour mettre fin aux pratiques et au cautionnement des actes qui mettent à mal la cohésion, le vivre ensemble et l’unité nationale. Ceci doit forcement passer par la sanction, la condamnation et la mise hors état de nuire de ces auteurs de tous ces actes qui endeuillent le pays. Ce n’est qu’à ces conditions seulement que l’on peut envisager la solution aux autres questions qui prennent en étau la « Terre de nos Aïeux ».

Idelphonse AKPAKI/lagazettedutogo.com

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