Aflao, la ville frontalière ghanéenne, l’autre terre d’accueil des Togolais…

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Au Togo, il est de notoriété publique que construire une habitation, ou un « chez » comme cela se dit localement, est un signe de réalisation de soi et d’ascension sociale. Cette situation jointe à la faible réglementation dans le secteur du foncier au Togo, monte les enchères et rendent l’accès à la propriété immobilière difficile à une majorité de Togolais. Pour s’en sortir, certains n’ont pas trouvé mieux que de s’installer au Ghana voisin. Zoom !

Aflao, la ville frontalière ghanéenne, l’autre terre d’accueil des Togolais…

Les localités se nomment Akpokple Kpodji, Zokopé, Agbokakopé, Ketekopé, Gbaemé, Cimao, Agbagblan, Apelido, Zuime, Douta, Kologan, Lankouvi… On aurait pu croire que ce sont des localités du Togo, mais ils ont la particularité d’être situées au Ghana voisin, à la frontière avec le Togo, à Aflao.

Kodjogan, maitre soudeur est installé à Zokopé depuis près de 5 ans. Même s’il avait déjà de la famille de ce côté du Ghana, c’est la facilité d’accès à la terre au Ghana qui a conduit celui-ci à décider de s’installer là-bas. Ayant construit son habitation sur un lot (500m²), Kodjogan traverse la frontière chaque jour, pour se rendre à son atelier, situé en plein cœur de la ville de Lomé. Comme lui, ses deux enfants sont scolarisés dans un collège de la ville de Lomé et traversent eux aussi la frontière chaque jour. « Nous sommes des Togolais à part entière, mais nous nous sentons mieux ici », nous indique Kodjogan.

Un choix de raison

Ce mercredi soir, notre équipe rencontre des centaines de personnes qui se dirigent vers le Ghana, en empruntant une piste non loin des rails d’Atikoumé. Des Togolais pour la majorité, mais également des Ghanéens. Avant cette immigration massive des habitants de Lomé, vers le Ghana, le prix de vente des terrains se situaient entre 200.000 FCFA et 400.000 FCFA le lot, jusque dans les années 2000. Mais ces dernières années, jusqu’en 2015 l’on pouvait encore s’offrir un lot de terrain, à un million de francs CFA. Mais aujourd’hui, la demande explose, et les propriétaires terriens y vont de la spéculation. L’on vend aujourd’hui le lot entre 2 millions et 3 millions de FCFA en fonction de l’emplacement et des commodités disponibles (eau, électricité, etc.). Ce qui néanmoins est loin des 7 à dix millions qu’il faut dépenser pour acheter un terrain en banlieue à Lomé. Un choix de raison donc pour ces dizaines de Togolais, qui vivent ou choisissent de vivre au delà des frontières. Un choix qui fait prospérer les agents immobiliers de plus en plus nombreux. Généralement, ils travaillent pour un 5% de commission. Le marché de l’agence immobilière est actuellement réglementé dans le pays, ce qui n’empêche pas les démarcheurs de coins de rue, d’avoir pignon sur rue.

Une législation favorable

Les étrangers sont autorisés à posséder des terres au Ghana, mais tous les terrains sont vendus dans un accord de bail. Les étrangers peuvent posséder des terres pour une durée maximale de 50 ans alors que les ressortissants ghanéens peuvent posséder des terres pour un maximum de 99 années. De fait, la proximité culturelle et géographique des deux peuples fait que bon nombre de Togolais utilisent la double nationalité, et donc peuvent bénéficier des avantages offerts aux citoyens ghanéens.

On peut noter qu’il y a quatre types différents de terrain au Ghana, en fonction du propriétaire. Les terrains appartenant au gouvernement, les terrains concédés à des investisseurs, les terrains coutumiers et les terrains privés ou appartenant à des familles. Selon le type de terrain qu’un acheteur désire acquérir, il doit faire face à différentes autorités. Mais la division d’enregistrement des terres est une autorité incontournable dans l’acquisition des terres. Un processus que bien souvent d’acquéreurs trouvent inopportun. L’essentiel pour eux, c’est le reçu d’achat délivré par le propriétaire terrien. Mais vigilance est de mise, surtout avec le phénomène de double vente. L’on doit s’assurer avant toute vente que le vendeur dispose des documents officiels de propriété.

Généralement, l’on doit veiller à ce qu’un géomètre indépendant prépare un plan qui détaille exactement l’emplacement de la propriété. Cela peut aider les litiges de propriété dans l’avenir.

Plutôt des artisans

Notre enquête menée dans les différents quartiers visités révèle que les Togolais qui choisissent de vivre au delà de la frontière exercent  des métiers diverses. La plupart sont des familles, généralement d’artisans (charpentiers, menuisiers, maçons, soudeur, etc). Nokplim, un démarcheur basé à Adidogomé à Lomé, spécialisé dans la vente de terrain à Aflao, nous explique qu’il n’y a pratiquement pas de cadres ou d’employés avec un bon niveau qui choisissent de vivre au delà de la frontière. Ce sont des commerçants, de petits employés, et des gens qui généralement n’ont pas un revenu très élevé. La plupart ont des liens familiaux au Ghana.

C’est le cas de Baba T., qui est propriétaire de plus de 20 lots au delà de la frontière. « Les prix de terrains au Ghana même s’ils restent abordables, doublent chaque année. Il s’agit d’un investissement sur et rentable. »

Services de choix

Nombre de ceux qui choisissent d’habiter au Ghana, le font pour une raison essentielle, l’accessibilité des services sociaux, et le coût relativement faible de la vie. L’on peut expliquer ce dernier paramètre par le fait, que comparativement à Lomé qui est une métropole, ces contrées au Ghana, sont des zones rurales, donc avec un niveau de vie généralement bas. « Le fait aussi que ce soit le cedis, qui soit utilisé de l’autre coté, permet à ceux qui travaillent au Togo de s’en sortir bien » explique Kodjoga. Il est vrai que si du côté du Togo, c’est le Franc CFA qui est exclusivement utilisé, du coté ghanéen, les revendeurs acceptent le Franc FCA et le cedis, des fois avec une légère préférence pour le CFA.

Aflao, la ville frontalière ghanéenne, l’autre terre d’accueil des Togolais…

Au Ghana, les soins de santé sont facilement accessibles et pratiquement gratuits, pour ceux qui disposent du « health insurance », une assurance de santé offerte par l’Etat à tous les citoyens. Pour M. Abraw, policier, c’est la qualité des services de santé et d’éducation offerts par le gouvernement ghanéen à la population qui l’a séduit. En effet, contrairement au Togo, le Ghana offre des services de santé de qualité à tous les citoyens quelque soit leur zone de résidence.

L’eau et l’électricité sont également accessibles, et même si les prix de branchement sont nettement supérieurs aux prix pratiqués au Togo (plus de 40%), les délais de branchement sont de trois jours au maximum. Des facteurs qui pourront conduire bien d’autres togolais, à faire le choix de l’au delà de la frontière.

Source : Le Canard Indépendant

27Avril.com